quarta-feira, 30 de outubro de 2013

À LA BARBE D'IVAN - Pierre Léon - 05.11.2013 - 21h30


Le petit film de montage de Pierre Léon a quelque chose de réjouissant pour tout cinéphile qui s’intéresse un tant soit peu à l’Histoire. L'Histoire ici est celle de la censure soviétique, en pleine jdanovtchina - véritable chape de plomb tombée, au lendemain de la guerre, sur toute la production artistique, interdisant les œuvres non conformes à l’idéologie socialiste, à commencer par celles jugées trop formalistes (on entend dans le film le Quatuor à cordes n°3 de Chostakovitch) - à travers le destin de la deuxième partie du film d'Eisenstein, Ivan le terrible (la troisième, qui devait traiter de la guerre de Livonie, de l’extermination des boyards, de la fin des opritchniks et finalement du repentir d’Ivan, ne verra jamais le jour, les vingt minutes qu’Eisenstein avaient tournées ayant été détruites), et les rapports du cinéaste avec le pouvoir stalinien et plus particulièrement Staline dont Ivan, on le sait, est le portrait à peine déguisé.(...)
Il y a d'abord l'emboîtement du film dans celui d'Ivan Pyriev, le Dit de la terre sibérienne. Manière au départ d'inscrire Ivan le Terrible dans la réalité de l'époque, celle d'un cinéma endoctriné (Pyriev est connu pour ses comédies kolkhoziennes). Mais le retour du film à la fin, prenant littéralement celui d'Eisenstein en écharpe, semble dire autre chose. Par un effet de montage typiquement eisensteinien, le héros du film de Pyriev (...) semble assister, dix ans plus tard, non pas à l'exécution de sa symphonie, mais à la projection du film d'Eisenstein, au moment du finale, soit la célèbre séquence en couleurs du banquet. (...)
L'essentiel est que le personnage du film de Pyriev occupe à cet instant la place du spectateur, et que le trouble qu'il ressent est celui que nous, spectateurs, ressentons lorsqu'on regarde pour la première fois Ivan le Terrible. (...)
Bref, tout ça pour dire que la juxtaposition, dans le film de Pierre Léon, de la danse des opritchniks et d'un personnage pris de malaise en regardant la scène m'évoque en définitive Eisenstein lui-même, comme s'il était spectateur posthume de son propre film. Et c'est très beau.
Frédéric Majour
theballoonatic
03 de Fevereiro 2010
tradução em curso